Avec son exposition Patrimoine en Péril, le Musée d’art et d’histoire de Genève s’interroge sur la mission fondamentale du musée dans la protection de son patrimoine culturel et de celui des objets qui lui sont confiés par des pays en situation de conflit. L’exposition présente notamment 44 objets archéologiques issus de la région de Gaza. Parallèlement, des chercheurs mobilisent leur expertise au service d’un inventaire des destructions du patrimoine architectural et historique de Gaza afin de conserver sa mémoire et de préparer au mieux sa restauration.
Dans son exposition Patrimoine en péril, visible jusqu’au 9 février 2025, le Musée d’art et d’histoire (MAH) de Genève explore la thématique de la sauvegarde de ses collections ainsi que son rôle dans la protection des biens culturels prêtés par des pays en guerre. La présentation de 44 objets provenant de la région de Gaza met en lumière l’histoire riche et complexe de la région et sensibilise les publics sur la protection du patrimoine en cas de conflits armés.
Le territoire de Gaza regorge de sites archéologiques et de bâtiments historiques couvrant plus de 5000 ans d’histoire. Alors que Gaza et ses habitants endurent depuis un an bombardements et famine, le patrimoine architectural et historique subit des destructions majeures. Depuis le début des conflits en octobre 2023 et à la date du 17 septembre 2024, l’Unesco a constaté la dégradation de 69 sites, dont « 10 sites religieux, 43 bâtiments d’intérêt historique et/ou artistique, 2 dépôts de biens culturels mobiliers, 6 monuments, 1 musée et 7 sites archéologiques ».
Les 44 objets présentés dans l’exposition du MAH sont issus d’une collection plus large de 529 objets prêtée par l’Autorité nationale palestinienne en 2006 à l’occasion de l’exposition Gaza à la croisée des civilisations(2007). Ce prêt et cette exposition préfiguraient alors la création d’un musée archéologique à Gaza. Mais les événements des 17 dernières années ont rendu la réalisation de ce projet ainsi que le retour de ces objets à Gaza impossibles. Les conditions du refuge de ces objets ont d’ailleurs récemment fait l’objet d’un nouvel accord entre l’Autorité nationale palestinienne et la Ville de Genève, témoignant de l’engagement de cette dernière dans la préservation du patrimoine gazaoui. Plus généralement, Genève s’inscrit dans une démarche d’aide aux pays dans lesquels le patrimoine est en danger, en leur apportant son expertise dans la protection des biens culturels.
Cet engagement est présenté dans la dernière partie de l’exposition, qui met à disposition un espace de consultation d’ouvrages et de visionnage de films documentaires au sujet notamment du patrimoine mis en péril en Ukraine, de la réhabilitation du musée de Mossoul (Irak) ou encore des manuscrits du Mali, mis en danger par le groupe islamiste Ansar Dine en 2012.
Le monde de la recherche se mobilise aussi. Un collectif de plus de vingt historiens, archéologues, politistes, géographes, sociologues, spécialistes des conflits et des traces de guerre mettent leur expertise au service d’un inventaire des destructions du patrimoine architectural et historique de Gaza afin de conserver sa mémoire et de préparer au mieux sa restauration. Le carnet Hypothèses Gaza, inventaire d’un patrimoine bombardé partage et met à jour une liste de 77 sites et bâtiments patrimoniaux (sites de fouilles archéologiques, cinémas, mosquées, cimetières militaires, etc.) touchés par le conflit actuel. Cette liste, élaborée grâce aux communications et données de l’Unesco et de l’Icomos, est accompagnée de plusieurs fiches présentant les bâtiments et les sites avec des photographies (avant et après les bombardements), des archives et des plans. Enfin, depuis septembre 2024, la liste est augmentée d’une cartographie qui permet de constater depuis le ciel l’ampleur des dégradations.
Légendes des images
Fig-1 Entreposées aux Ports Francs de Genève, la centaine de caisses renfermant depuis 2007 les 519 objets de Gaza appartenant à l’Autorité nationale palestinienne. © Musée d’art et d’histoire de Genève, photo : B. Jacot-Descombes
Fig-2 Statuette représentant Aphrodite ou Hécate avec Pan enfant (disparu), découverte à Gaza, Blakhiyah. Époque hellénistique ou romaine. © Dépôt de l’Autorité Nationale Palestinienne, photos B. Jacot-Descombes
Fig-3 Manche de poignard à décor géométrique découvert à Gaza, Tell es-Sakan. Âge du Bronze ancien III (2700-2350 av. J.-C.). © Dépôt de l’Autorité nationale palestinienne, photo F. Bevilacqua