
Sarcosuchus imperator découvert par Philippe Taquet au MNHN. – Wikimedia Commons – Vassil
Avec la disparition de Philippe Taquet le 16 novembre 2025, à 85 ans, nous perdons un paléontologue de premier plan, un directeur de musée visionnaire et un infatigable médiateur de la science.
Homme de terrain, dès 1965 l’Afrique devient son terrain de prédilection. Ses fouilles au Ténéré, notamment sur le gisement de Gadoufaoua (Niger), ouvrent un chapitre décisif pour la paléontologie. La mise au jour de toute une faune mésozoïque replace l’Afrique au cœur du récit de l’évolution.
C’est à lui aussi que l’on doit la découverte spectaculaire de l’Ouranosaurus nigeriensis, un nouvel Iguanodontidé. Il met au jour l’un des plus grands crocodiliens jamais connus : le Sarcosuchus imperator, dont le squelette complet est exposé à la Galerie de paléontologie et d’anatomie comparée du Muséum national d’Histoire naturelle (MNHN). Cette aventure, ainsi que ses campagnes de fouilles aux quatre coins du monde, il les a racontées avec passion dans son ouvrage grand public, L’Empreinte des dinosaures (1994). En 1999, des paléontologues américains donnent son nom à un nouveau dinosaure du Niger, le Nigersaurus Taqueti.
Philippe Taquet fut aussi un homme de musées. En tant que directeur du Muséum national d’Histoire naturelle (MNHN) de 1985 à 1990, il a su impulser la renaissance magistrale de l’ancienne Galerie de zoologie qui deviendra l’emblématique Grande galerie de l’évolution.
Ce geste fut plus bien plus qu’une simple rénovation ; ce fut un acte intellectuel qui a changé notre manière de montrer le vivant, en y intégrant les notions de continuité, de rupture et d’enjeux contemporains. Une vision qui irrigue encore aujourd’hui encore la muséologie contemporaine.
Plus tard, en 1995, il transforma un programme de recherche au Laos en un projet patrimonial, à l’origine de la création du Musée des dinosaures de Savannakhet.
Élu à l’Académie des sciences en 2004, qu’il présida en 2013-2014, Philippe Taquet incarnait un enthousiasme scientifique doublé d’une profonde conscience citoyenne.
Véritable passeur entre la recherche, les institutions et le grand public, il a inlassablement plaidé pour une science ouverte, curieuse des autres disciplines et attentive à ses partenaires. Pour lui, les musées devaient être des espaces où l’émotion ouvre naturellement les portes du savoir. De l’aridité du Ténéré aux ors de l’Académie, Philippe Taquet fut un éveilleur, laissant derrière lui l’empreinte indélébile de son enthousiasme pour une science à la fois rigoureuse et généreuse.